1-Les difficultés de croire aujourd'hui [RTP/301-332]
La foi des disciples, c'est aussi la nôtre aujourd'hui. À l'intérieur même de la foi chrétienne, nous pouvons constater une sorte d'oscillation entre deux extrêmes:
- croire, c'est accepter globalement tout ce que dit l'évêque, le pape, l'autorité ecclésiastique...: « la foi du charbonnier » ;
- croire, c'est fonder sa vie sur une expérience personnelle et peu importe ce que rappelle l'autorité ecclésiastique si l'expérience personnelle dit le contraire !
Mais ces deux attitudes ont en commun de considérer la foi comme un objet
- que l'on recevrait passivement et qu'il s'agirait de garder;
- que l'on fabriquerait à partir de son expérience personnelle, que nul ne pourrait contester, alors que l'Évangile dénonce toute tendance possessive.
Il appelle, en effet, non à posséder quelque chose, mais à adhérer à Quelqu'un, à vivre en sa Présence; et le contenu de la foi est sans cesse remis en cause par le regard de Celui qui nous appelle ainsi: nous ne sommes jamais certains de vraiment « croire en lui ».
À l'intérieur de la foi chrétienne, nous pouvons encore repérer certaines contrefaçons dont nous essayons, tant bien que mal, de nous garder:
- une foi-refuge qui protège contre les duretés de la vie et donne un bonheur inconnu... Et, notamment dans les situations difficiles qui provoquent une désarticulation psychologique des personnes, les sectes peuvent présenter la foi comme une sécurisation de groupe;
- une foi-sentiment qui met en confiance, « fait du bien », garantit l'action morale et permet à chacun de « réaliser son idéal » ;
- une foi-engagement qui inspire une pratique et oriente l'activité tout entière, au risque de confondre l'adhésion à un programme et l'adhésion à une personne.
Dans ces trois cas, nous prenons les conséquences de la foi pour ses conditions: certes, le fait de croire rend heureux, le croyant vit dans la paix, la foi retentit dans la conscience et donne des motifs d'agir; mais, ni l'expérience sensible, ni l'expérience morale, ne sont à confondre avec l'acte de foi. La foi ne se réduit ni au sentiment, ni à l'engagement.
Si plusieurs de ces difficultés peuvent être levées, de plus graves empêchent aujourd'hui de croire : pour certains, c'est impossible; pour d'autres, dépassé... La foi est contestée, non pour son contenu, mais pour elle-même; par rapport aux langages actuels, le langage de la foi ne semble plus pertinent.
La Bible est un appel à changer de vie conformément au Sinaï, au Christ; mais, dans la mentalité actuelle, elle résonne comme un discours vide, vidé de son sens. Le langage biblique tombe dans le domaine culturel : on se réfère à l'histoire d'Israël comme à l'histoire grecque, à Moïse ou à Jésus comme à Homère ou à Socrate; la foi est réduite à la culture: on préfère l'image de Jésus Christ à Jésus Christ lui- même et l'appel personnel qu'il adresse, on ne l'entend plus.